L’Eglise a-t-elle un avenir ?

Rien de plus passionnant que l’humain rencontré par Dieu. Cette rencontre, ce choc, cette aventure partagée ont pris en chrétienté le nom d’Eglise. Et si cette question qui donne son titre à ce petit article - un peu solennelle, il faut le dire – dépend d’un contexte occidental que nous pourrions dire « critique » où de telles questions semblent se poser, j’aime voir que l’origine de l’Eglise, ce qu’on pourrait appeler sa genèse, porte déjà, intrinsèquement, toutes les marques d’une crise. N’est-il pas en effet dans la nature même de l’Eglise d’être « en crise », c’est-à-dire de devoir supporter qu’elle représente un lieu toujours critique, où l’humain, dans les limites qui sont les siennes, tente de rendre compte de Dieu? Où ce qui est fini prétend invoquer l’infini, où ce qui est dans le temps prétend célébrer l’éternité, où ce qui est si souvent fautif prétend adorer la perfection même ? En quoi cet aveu, qui de fait concerne toute manifestation religieuse (au-delà de la seule histoire chrétienne) et qui ne manque pas d’être assez général, peut-il nous aider à avancer pour répondre à la question du titre?

Si en effet « au commencement était… » la crise, alors il me semble qu’il n’y aurait rien à craindre à ce que nous continuions de la porter avec nous, en nous et à travers nous toutes les fois que nous expérimentons l’Eglise et que nous tentons de dire ce que pourrait être son avenir… Cela ne nous dispense pas de rester attentifs à l’actualité de notre témoignage et aux « signes des temps » que l’Eglise doit apprendre à percevoir mais cela nous conduit à une sorte d’affinité avec la crise, une familiarité avec elle qui fait que la question de l’avenir de l’Eglise ne se pose pas en termes dramatiques. Et s’il fallait se la poser tout de même, alors de toute évidence il faudrait en revoir les termes et considérer qu’en aucune façon l’Eglise n’« a » son avenir, mais qu’elle le reçoit d’un Autre qui seul fera, en le donnant, que l’Eglise est ce qu’elle désigne. Pour le dire autrement, il me semble que l’Eglise ne peut d’une certaine façon n’être que prière, que l’incertaine confession de ceux et celles qui l’incarnent, la vivent et l’espèrent. Pauvre en elle-même, désirant cette rencontre qui seule l’habilite, qui seule l’habille, voilà l’Eglise contre laquelle « les portes de l’enfer ne prévaudront pas »  (Mt 16,18) car elle tient toute entière à la vie de Dieu.